Artémise est née en 1900 à Albi. Et c’est dans cette belle petite ville du sud-ouest de la France qu’elle nomme : sa petite patrie, qu’elle a traversé le siècle.
Elle a vécu deux guerres. Elle a vu arriver l’eau courante, l’électricité… et l’homme sur la lune.
Elle a eu six enfants, dix neuf petits enfants, dix arrières-petits-enfants et elle est maintenant trisaïeule.

Aujourd’hui presqu’aveugle, elle refuse la canne blanche, vit seule dans sa grande maison et veut encore apprendre… Elle a toujours eu sur elle et sur les autres un regard critique plein d’humour, et parfois aussi de dureté…

Sans crainte de la mort qu’elle compare à un accouchement et qu’elle attend sans appréhension, amoureuse de la vie et de l’amour, elle nous parle de sa vie de femme avec simplicité, sincérité et malice. Destin de femme ordinaire, venue du temps encore proche où les femmes ne se posaient pas de questions : être nées femmes était leur certitude et leur fierté, des épouses fidèles et des mères solides : leur destinée.

Si elle a des regrets : j’aurais aimé peindre, elle n’a pas de frustrations…

Artémise est ma grand-mère, et j’ai eu envie de lui tendre un miroir, de lui donner la parole et de conserver sa voix singulière à l’accent chantant, et l’image de son visage buriné. J’ai eu envie que son regard nous lave de toutes les fictions… J’ai eu envie de capter l’émotion la plus subtile, celle des non-dits, et sans fausse pudeur de laisser scintiller sa mémoire plus émotionnelle qu’événementielle…

Joële van Effenterre